#44 – Les cryptos peuvent-elles être de gauche ?

C’est quasiment passé inaperçu, mais pendant que l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter monopolisait l’actualité, une crise financière virtuelle se déroulait : la faillite de la plateforme de cryptomonnaies FTX. Certains la comparent même avec celle de Lehman Brothers, en 2008. Elle a des impacts en cascade, touchant de près ou de loin quelques grands acteurs financiers. Ce que l’on ne sait pas encore est son influence sur l’économie du NFT. Est-ce que ça précipitera la fin des jetons ou au contraire, permettre de faire le pas de côté nécessaire pour se réinventer ?

Le journaliste techno-critique Paris Marx parle lui de tremblement de terre et que nous sommes peut-être à un tournant de l’histoire de la Silicon Valley. La fraude organisée par FTX jette quand même un sérieux coup de froid sur la viabilité d’un système, jugé par ses laudateurs comme un environnement décentralisé (ce qu’il est), viable (la preuve que non) et sécurisé (la preuve encore que non). Sans vouloir faire le procès de la blockchain, dont on nous vante les mérites depuis tant d’années, la faillite de FTX prouve que ce système dans un environnement capitaliste outrancier produit les mêmes effets délétères et pose de sérieuses questions éthiques.

Alors la crypto peut-elle être de gauche ? Pourrions-nous avoir un jour des Labor Tokens ?

A gauche, nous avons toutes les raisons de nous méfier des cryptomonnaies et de l’ensemble de l’éco-système. Déjà, on notera que la spéculation sur ces actifs numériques relèvent de plus en plus du système de Ponzi, comme l’a révélé la faillite de Three Arrows Capital (lié à FTX) en juillet dernier, ce fond spéculatif en crypto. Ensuite, tout ce petit monde est désormais sous étroite surveillance. Ainsi, la
Securities and Exchange Commission s’en prend aux célébrités, qui soutiennent et influencent les crypto-monnaies, notamment Kim Kardashian, qui a reçu une amende de 1,26 million de dollars début octobre pour avoir publié illégalement des informations sur EthereumMAX.

Il est désormais facile de répondre à tout argument en faveur de la crypto par une simple observation : bon nombre des partisans les plus éminents de la crypto sont maintenant confrontés à des poursuites judiciaires… et la faillite de FTX n’arrangera pas les choses. A ce stade, il est difficile de savoir si le système est à la base frauduleux et vérolé ou si ce sont ses applications qui le sont.

En constatant cet état de faits, quelle(s) leçon(s) pouvons-nous en tirer à Gauche ?

La crypto-monnaie la plus susceptible de faire l’objet d’une telleconsidération est l’Ethereum, qui est parfois associée au côté gauche du spectre politique, contrairement au Bitcoin, qui est souvent associé à la droite. Alors que le Bitcoin est un système de paiement de pair à pair qui cherche àsoustraire la monnaie des institutions financières indignes de confiance, l’Ethereum a été cofondé par le programmeur Vitalik Buterin, qui est devenu une icône pour une la frange la plus idéaliste et réfléchie de la crypto – peuplée de vrais croyants qui pensent que la technologie peut nous rapprocher d’une société plus juste.

Ses partisans souhaitent créer un monde d’affaires démocratisé où les petites structures et les organisations seraient débarassées des intermédiaires et notamment des frais engendrés par ces tiers. Dans sa conception originale, avec les DAO (Organisation Autonome Décentralisée, en français) et ses Small Contracts peuvent s’apparenter à l’esprit des coopératives, et d’ailleurs certains ont franchi ce pas. Pour autant, tout ce petit monde rejette quasi-unanimement d’être considéré comme des socialistes ou d’être apparenté à la Gauche.

En fait, la réponse est donnée par Vitalik Buterin, lui-même, dans son livre Proof of Stake dans lequel il explique comment les crypto-monnaies représentent une « nouvelle méthode d’incitation sociale » qui offrira un nouveau « moyen démocratique de mettre en commun notre argent et de soutenir les projets et activités publics qui contribuent à créer la société que nous voudrions voir advenir.” Elle est suffisamment ambigüe pour que nous passions notre chemin. Il n’y a rien d’incitatif dans cette réflexion car l’expérience a prouvé que l’Ethereum n’avait pas de vision politique socialiste, et ce d’autant plus si vous êtes un citoyen curieux qui tente d’obtenir des réponses claires sur les fondements politiques de la cryptographie et de ses partisans.

Que ce soit aux Etats-Unis ou même ici, la littérature sur le sujet se borne à détailler techniquement les cryptos. Très rares sont les articles qui posent des réflexions de fond sur la société que nous voudrions, si un jour nous adoptions l’Ethereum. Entre vision simpliste, qui veut éviter tout jargon technocratique, et vision néo-libérale, la place des cryptos comme vecteur d’un monde plus solidaire et plus juste repose, pour l’instant, sur des sables mouvants.

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Et pourtant, ce serait possible (avec beaucoup de si) !

Si nous reprenions le fondement du système, à savoir un système complèment décentralisé de pair à pair, il serait possible d’imaginer l’émergence d’un Labor Token. Mais il devrait remplir quelques conditions indéfectibles dont voici quelques pistes de réflexion non exhaustives ;

  • lmLa blockchain supportant la cryptomonnaie doit être impérativement un service public. Les blockchains privées sont interdites.

  • Elle doit être accessible à tou.te.s, inconditionnellement,

  • Elle doit être sobre et éco-responsable,

  • Elle doit s’inscrire dans une économie planifiée, pour la réguler et éviter les spéculations,

Cette dernière proposition permettrait, entre autres, de déterminer pour les citoyen.ne.s combien et quels types de produits de consommation, iels pourront s’approprier pour leur propre usage, notamment à partir de l’offre générale de biens et de services. Le Labor Token serait alors, dans un contexte de sobriété, une monnaie alternative qui nous donnerait accès à des biens de consommation au prix le plus juste et donc à une rémunération plus juste.

En tant que service public, le contrôle social général devrait permettre d’éviter toute accaparation anti-démocratique.


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