Notes de veille (4)

L’intelligence organique à l’assaut de l’informatique et nouvel enjeu géopolitique

Depuis un petit moment, le mot intelligence revient sur le devant de la scène. On le cuisine à toutes les sauces, au point que l’intelligence washing a de beaux jours devant lui. Cependant, parfois l’emploi de ce terme est approprié (ce qui n’est pas le cas dans nombre de domaines, suivez mon regard).

Ainsi, en février dernier, des scientifiques ont créé un nouveau domaine, appelé Intelligence Organoïde (IO), qui est désormais considéré comme la prochaine frontière de la bio-informatique. Pour répondre aux besoins croissants de l’IA en matière de calcul, on s’éloigne de l’architecture Von Neumann traditionnelle au profit d’approches plus innovantes. L’une d’entre elles est l’informatique neuromorphique, inspirée de la structure du cerveau, qui gère efficacement le stockage et le traitement simultanés des informations. C’est ce qui a conduit les chercheurs de Johns Hopkins à créer l' »intelligence organoïde », un nouveau domaine qui utilise des matériaux biologiques – le plus souvent des cellules cérébrales humaines – pour le traitement de l’information, en tirant parti de leurs capacités inhérentes au-delà des systèmes à base de silicium. Il s’agit d’une étape importante dans l’exploitation de l’efficacité naturelle du cerveau pour des applications d’intelligence artificielle.

Le mois dernier, un système de bio-informatique composé de cellules cérébrales vivantes a appris à reconnaître la voix d’une personne à partir d’un ensemble de 240 clips audio de huit personnes prononçant des voyelles japonaises. Les clips ont été envoyés aux organoïdes sous forme de séquences de signaux disposés dans l’espace.

Plus tôt en 2021, Cortical Labs, en Australie, a appris à cette nouvelle forme d’intelligence à jouer au Pong.

Vous devinerez sans peine les enjeux géopolitiques énormes qui se jouent derrière ce nouveau domaine. A l’heure où les États-Unis et la Chine se disputent la suprématie quantique, les semi-conducteurs, les composants de la 5G et les normes de la 6G, imaginez ce qui se passerait s’il y avait une course à la suprématie de l’informatique biologique ? On pourrait penser, encore une fois, que l’UE est absente des débats mais en l’occurrence, elle a créé un hub nommé EBMnet qui depuis 2008 réunit 32 pays européens qui travaillent sur la question. Mais, comme d’habitude, dans ce genre de domaine, c’est la puissance financière qui déterminera les gagnants.

Cependant, est-ce une bonne nouvelle que de savoir qu’un domaine scientifique soit développé encore à la barbe et au nez du consentement citoyen ? Il se posera, à terme, les mêmes questions éthiques qu’on se pose avec l’IA.

L’hiver des cryptos

L’année a été tumultueuse pour le secteur des cryptomonnaies.

En novembre, Sam Bankman-Fried, l’ancien PDG de FTC en faillite, a été reconnu coupable de plusieurs chefs d’accusation de fraude. Une autre bourse importante, Binance, a réglé une amende de 4,3 milliards de dollars pour répondre à des accusations criminelles fédérales aux États-Unis. Certes, le bitcoin a fait un bond de plus de 150 % cette année pour atteindre près de 44 000 dollars. Mais dans l’ensemble, les crypto-monnaies restent volatiles. D’éminents experts en sécurité, banquiers et législateurs affirment que les crypto-monnaies sont difficiles à tracer, qu’elles ne sont pas réglementées de manière uniforme et qu’elles ont provoqué plus d’une folie financière.

Pour survivre à plus long terme, les crypto-monnaies auront besoin d’un soutien institutionnel et d’une masse critique d’adeptes. C’est pourquoi je continue de penser qu’une forte désillusion s’ensuivra, suivi d’un désintérêt massif. Ce qui restera est en fait le système qui supporte l’édifice, à savoir la blockchain. Et il est dommage qu’une monnaie, destinée au départ à émanciper les citoyen.ne.s du système bancaire, ait été captée par des personnes peu scrupuleuses.