Vers un bannissement progressif de X (Twitter) ?
C’est une petit musique qui monte depuis quelques mois et qui n’est plus un sujet tabou : bannir X (anciennement Twitter) pour ses manquements répétés à la lutte contre la désinformation. En maidernier, le ministre délégué a numérique Jean-Noël Barrot a laissé entendre que le réseau social pourrait être banni de l’UE car il ne suivrait pas le Digital Services Act. La même petite musique, plus subtile, a été entamée par le commissaire européen Thierry Breton, demandant aux internautes de quitter X pour rejoindre son concurrent Bluesky.
Pour l’instant, ce ne sont que des intentions mais l’exemple de l’Australie pourrait très bien accélérer la décision européenne de se défaire de l’ancien oiseau bleu. Le réseau social aurait volontairement snobé les demandes du gouvernement australien pour justifier la disparition d’une fonctionnalité qui permettait notamment de dénoncer les fake news et ce fut d’autant plus dommageable durant la campagne référendaire The Voice. Et ce comportement a beaucoup agacé les officiels australiens et il est donc possible que la sanction de bannissement tombe un jour.
La désinformation se paie cash
La santé financière de X ne va pas en s’améliorant. Le New York Times révèle ainsi que l’entreprise pourrait perdre jusqu’à 75 millions de dollars de recettes publicitaires d’ici la fin de l’année, des dizaines de grandes marques ayant interrompu leurs campagnes de marketing après que son propriétaire, Elon Musk, a soutenu une théorie du complot antisémite ce mois-ci.
Et ce d’autant que la nouvelle politique publicitaire de X permet à celleux qui ont acheté leur blue ribbon de bénéficier du partage des revenus publicitaires. Or, selon l’ONG NewsGuard, les marques devront faire attention à ne pas financer les théories complotistes qui fleurissent sur ce réseau.
Les conclusions de NewsGuard font écho à d’autres rapports récents qui mettent en cause X dans la diffusion des publicités sur des discours haineux ou de fausses affirmations. En début de semaine, X a intenté un procès à Media Matters à la suite d’un rapport montrant que le contenu de grands annonceurs était affiché sous un contenu pro-nazi, ce qui a incité de grandes entreprises comme Apple et Disney à retirer leur publicité et à cesser de publier des messages sur X. Pareille mésaventure est aussi arrivée au Center for Countering Digital Hate (CCDH) qui dans un rapport détaillait les discours haineux que X ne supprimait pas.
OpenAI : aux origines du techno-optimisme
Je déroge à la règle que je m’étais fixée de ne pas trop parler de l’épisode qu’OpenAI nous a infligé la semaine dernière. Il a fait suffisamment couler d’encre comme ça. Non ce qu’il y a de plus intéressant à étudier, ce sont les chemins de traverse et ce que nous raconte tout ce mauvais soap opéra in fine.
Comme l’écrivent Karen Hao et Charlie Warzel dans cet excellent article d’Atlantic :
[Sam] Altman’s dismissal by OpenAI’s board on Friday was the culmination of a power struggle between the company’s two ideological extremes—one group born from Silicon Valley techno optimism… the other steeped in fears that AI represents an existential risk to humanity and must be controlled with extreme caution.
A l’aune de cette judicieuse remarque, Benjamin Breen, un historien américain des sciences, a dans sa newsletter analyser l’origine des ces deux tendances qui s’affrontent violemment dans la Silicon Valley. Il nous fait revivre revivre l’histoire du techno-optimisme et l’influence de Margaret Mead.
En 1978, après 50 ans au sommet de l’opinion américaine, l’anthropologue Margaret Mead s’est éteinte, forte d’une réputation solide et d’un héritage prestigieux. Son ascension semblait refléter l’ascension sociétale des femmes américaines. Dans une vingtaine de livres et d’innombrables articles, elle a donné une voix forte à un libéralisme solide mais prudent : résolument antiraciste, pro-choix ; ouverte à de « nouvelles façons de penser », mais méfiante à l’égard des relations sexuelles avant le mariage et hésitante à l’égard de la pilule. Les tensions de l’opinion publique étaient aussi les siennes. Dans sa nécrologie, le New York Times la qualifiait même d' »oracle national ».
Cette éminente anthropologue a joué un rôle important dans l’élaboration du techno-optimisme et du concept de risque existentiel. Dans les années 1930, elle est l’un des principaux partisans du techno-optimisme, estimant que la technologie propulserait l’humanité vers un nouvel état transcendant. Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, Mead est devenue une théoricienne du risque existentiel, plaidant pour la création d’un gouvernement mondial afin d’assurer la survie de l’humanité face aux bombes atomiques. Selon M. Breen, ses vues complexes et nuancées sur la technologie et la société font d’elle une figure pertinente pour comprendre le fossé idéologique qui sépare aujourd’hui la recherche sur l’intelligence artificielle.
Old World vs Young Africa
Le New York Times a publié un superbe reportage avec de magnifiques photos sur l’incroyable changement démographique à venir en Afrique, sur son importance croissante dans le monde et sur les opportunités et les défis que représente le fait d’être le continent le plus jeune du monde. « D’ici 2050, une personne sur quatre sur la planète sera africaine, et 35 % des jeunes du monde entier vivront sur ce continent. »
L’auteur s’attache essentiellement à démontrer comment cette révolution est en marche, même s’il ne ne fait pas l’impasse sur les fossés industriels qui séparent le continent africain de l’Occident. Mais lorsqu’on voit comment les pays occidentaux se referment sur eux, l’énergie qui se dégage du continent africain devrait nous inspirer, au lieu de vouloir à tout prix le garder sous notre coupe colonialiste.