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#9 Tracking ou traçage numérique

par Futuromiumle 29 août 202020 octobre 2020

Bienvenue dans ce numéro #9

L’histoire se souviendra-t-elle la façon dont nous vivons au quotidien le confinement et la pandémie ? Faisons ensemble un petit travail de projection, si vous le voulez bien.

Nous sommes en l’an 4000 et une équipe d’archéologues fouille un vieux carré de maisons en banlieue parisienne. L’état délabré des lieux fait qu’ils se servent de robots pour fouiller. Un robot découvre un objet que les humains du XXIème siècle appelaient smartphone. Juste à côté, un coffre semble contenir des traces d’un tissu décomposé, la reconstitution 3d les rend perplexes, le tissu en question semble épouser la forme d’un visage. Après plusieurs tentatives, ils accèdent enfin au contenu du smartphone… enfin à quelques mégaoctets, parce que ledit appareil est dans un tel état, que c’est déjà un miracle que ce contenu soit encore disponible.

Nos archéologues du futur découvrent le message d’un homme en train de filmer des personnes, étrangement masquées, faisant la queue en se tenant à plus d’un mètre des uns et des autres, devant ce qui semble être une boulangerie. Ils arrivent à retrouver la date de cet enregistrement, le 22 avril 2020. Ils se posent alors plein de questions : qu’est-ce qu’une boulangerie ? Pourquoi les gens se tiennent aussi éloignés des uns et des autres ? Et c’est quoi ce bout de tissu sur le visage ?

Intrigués, ils décident de fouiller un peu plus le passé en faisant une recherche documentaire. Avec mille précautions, ils découvrent les unes des journaux de l’époque et le curieux débat autour du traçage numérique de la population. Etrange, car en l’an 4000, le traçage numérique n’existe pas, cette technologie est oubliée, suite aux violentes émeutes de 3150 : une méga-corporation a exploité la donnée personnelle de trop, celle du sommeil.

Fiction ? Peut-être pas tant que ça. Nos journaux de confinement numériques parviendront-ils à nos descendants de l’an 4000 ? En sera-t-il de même pour les messages que nous nous échangeons sur les réseaux sociaux ? L’usage de ce nouveau vocabulaire de la novlangue, tracking à la place de traçage numérique, se répandra-t-il chez les citoyen.ne.s ? Serons-nous une société du tout numérique ou pas ?

Bonne lecture !

— Dominique


Naissance d’un nouvel anglicisme : le tracking.

Généralement, lorsqu’on cite 1984 de George Orwell, on s’attarde plus volontiers sur la société de surveillance de Big Brother, que sur l’incroyable travail linguistique, qu’a mené l’écrivain britannique en inventant la novlangue. Transformer une langue en lui substituant des définitions à d’autres plus acceptables est un exercice que les politiques et idéologues ont toujours apprécié. Avec Orwell, on découvre que la langue est un objet politique, qu’elle est manipulable à souhait et une fois infusée, elle devient difficile à contrecarrer. On l’observe tous les jours avec les chômeurs qui sont devenus des demandeurs d’emplois, les cotisations sociales, des charges, etc.

Le numérique a apporté son lot de mots-valises et divers anglicismes, qui saturent aujourd’hui l’espace public. Et ces jours-ci, il y en a un qui fait surface, c’est le mot tracking. Pour lutter contre la propagation du covid-19, le gouvernement français souhaiterait que les Français.e.s téléchargent une application, StopCovid, pour tracer l’évolution de la maladie grâce au “contact tracking“.

Depuis cette annonce, hommes et femmes politiques, médias et presses se sont empressés d’utiliser à tout va cet anglicisme, alors que son équivalent français, traçage numérique est tout aussi explicite. Peut-être trop, justement… Clément Viktorovitch, spécialiste de la rhétorique en politique, l’explique parfaitement dans sa chronique sur Clique TV.


L’étude à télécharger : Le traçage anonyme, dangereux oxymore

“Le traçage automatisé des contacts à l’aide d’une application sur smartphone comporte de nombreux risques, indépendamment des détails de fonctionnement de cette application. Nous sommes spécialistes en cryptographie, sécurité ou droit des technologies. Notre expertise réside notamment dans notre capacité à anticiper les multiples abus, détournements et autres comportements malveillants qui pourraient émerger. Nous proposons une analyse des risques d’une telle application, fondée sur l’étude de scénarios concrets, à destination de non-spécialistes.“

Cette étude très pédagogique propose quinze scénarios de détournements possibles d’un traçage numérique de la population. Elle est à télécharger ici.


Petite bibliographie sur la manipulation du langage

La manipulation de la langue est un sujet qui a été maintes fois abordée par des philosophes.
Deux ouvrages majeurs sont à lire si vous vous y intéressez :

– LTI, la langue du Troisième Reich de Victor Klemperer, essentiel… George Orwell a du s’en inspirer pour 1984
– LQR, la propagande du quotidien d’Eric Hazan.


SPIMES : design fiction et tracking selon l’auteur américain Bruce Sterling

Dans son essai Shaping Forms, l’auteur de science-fiction Bruce Sterling, co-fondateur avec William Gibson du mouvement cyberpunk, imaginait dans un futur proche que tout objet serait désormais traçable et connecté. Il les a surnommé des SPIMES. Selon lui, ce tracking (ou traçage numérique), permettrait, au fil des ans, aux applications de retrouver chaque propriétaire de l’objet, d’établir une carte, etc.

Dans ce projet de Design Fiction, les auteurs ont repris la vie du réalisateur Howard Hughes, mort seul, sans héritier et à la tête d’une immense fortune. Elle fut néanmoins partagée entre 22 cousins, que le réalisateur n’avait pratiquement pas connu de son vivant. Dans cette vie alternative, les créateurs imaginent la vie des objets, ces spimes, dans la vie du richissime réalisateur.

Beyond Blood from Sures Kumar TS on Vimeo.

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