Bienvenue dans ce numéro #6 !
Dans le dernier numéro, je vous alertais sur comment nos libertés individuelles et notre état de droit seraient touchés à cause de la crise du covid-19, le numérique pouvant être un de ses bras armés. Des initiatives fleurissent un peu partout dans le monde pour surveiller ces risques et cette tentation de surveillance de la population. Notons, par exemple, l’excellente idée du Mouton Numérique de recenser et documenter les surveillances mises en place via un classique doc share.
Aujourd’hui, je vais vous parler plutôt de solidarité, d’initiatives qui font du bien à la tête et au coeur, avec de vraies valeurs et qui ne courent pas avec l’idée première de faire du profit à court terme. Certaines entreprises du numérique ne vendront pas vos données de santé, comme Google ou ne mettront pas la vie de leurs salariés en danger, comme Amazon. Elles ont une démarche éthique que nous devons saluer et encourager.
Bonne lecture !
— Dominique
L’impression 3D au service des hôpitaux
On l’aurait presque oubliée, l’impression 3D. Autant elle avait soulevé l’enthousiasme il y a quelques années, autant on l’a un peu vite oublié ensuite. Les raisons étaient nombreuses mais la principale était (et est) le coût relativement cher pour acquérir une imprimante 3d de bonne qualité, l’acquisition des fils, etc. De fait, la démocratisation dudit objet n’a pas eu lieu. L’impression 3D est donc restée un marché de niche, concentré principalement entre les mains de communauté de Makers.
Aujourd’hui, cette fabrication additive fait pourtant émerger des solutions alternatives, en attendant que les moyens industriels traditionnels prennent le relais. Et depuis le début de la pandémie, elle pallie la déficience de l’Etat, tant bien que mal, en fabriquant des pièces de rechange, en transformant des masques de plongée en respirateurs ou en mobilisant la communauté des makers.
Ces différents projets ont poussé d’autres acteurs à entrer dans le jeu. En temps normal, les fabricants d’imprimantes 3D vendent des imprimantes, pas les objets 3D. Ainsi, aux Etats-Unis, l’entreprise Formlabs a mobilisé ses 250 imprimantes 3D pour fabriquer quotidiennement 100 000 prélèvements nasaux pour les tests covid-19.
L’impression 3D permet donc clairement de sauver des vies. Mais est-elle à terme une solution viable ? Aujourd’hui, elle remplit un vide laissé vaquant par une politique industrielle mortifère. Mais si la pandémie s’accélère, il lui deviendra difficile de suivre le tempo du virus. Dans tous les cas, la communauté des Makers a prouvé sa capacité à se mobiliser pour le bien de tous et elle aura son mot à dire dans l’après-crise.
La data à l’heure des libristes
Lorsqu’on lit les principales demandes des chercheurs et des médecins, une de leurs préoccupations majeures est un besoin urgent de données, pour suivre l’évolution de la pandémie et anticiper les vagues de patients atteints par le covid-19.
Le gouvernement n’ayant pas réagi tout de suite à cette demande, la communauté du libre se mobilise donc sur GitHub pour proposer des solutions applicatives aux médecins.
Beaucoup de ces projets ayant déjà vu le jour sont aujourd’hui cités par des journalistes scientifiques, des épidémiologistes et des statisticiens comme sources de références fiables.
Jeux de données, calculs distribués, suivi en temps réel… Les développeurs utilisent la panoplie de leurs compétences pour proposer des solutions qui fonctionnent. Avec l’esprit collaboratif qui caractérise cette communauté, les projets se construisent et évoluent rapidement. Voici quelques exemples qui me semblent intéressants à suivre et réellement inspirants :
- La carte interactive et les jeux de données agrégés par le Center for Systems Science and Engineering de l’université américaine Johns Hopkins, à Baltimore,
- La carte et les jeux de données (nCoV2019 dataset) fournis par Institute for Health Metrics and Evaluation de l’Université de Washington,
- Le projet COVID-19 Tracker pour les États-Unis,
- Le projet de calcul distribué Folding@home et ses jeux de données,
- Une application mobile que développe l’Organisation mondiale de la santé (OMS/WHO).
En France, de tels projets sont en cours d’élaboration. La difficulté réside principalement dans la collecte des données, RGPD oblige. Ajoutons à cela que le site data.gouv.fr qui devrait être l’épicentre de cette collecte ne répond absolument pas à cette demande, les développeurs en sont parfois réduits à mendier l’aide des internautes volontaires pour remplir des formulaires anonymisés. Et comme toujours de tels projets ne sont viables et fiables que si l’information collectée est vérifiable et donc correcte.
Il est évident qu’au lendemain de cette crise, la France devra se doter d’outils qui aident les chercheurs et les scientifiques à analyser et prévoir et ce, dans un esprit d’ouverture et collaboratif. Cela évitera de proposer cette solution du pauvre, complètement inutile et faisant sérieusement douter de la capacité de nos représentants à comprendre les enjeux du numériques en période de crise.