Dans ce numéro :
→ L’énergie verte booste le minage des cryptomonnaies au Texas
→ 2020, l’année des monnaies digitales ?
→ Payer avec du Vire et de la Pêche, les monnaies locales au diapason
Avez-vous déjà acheté votre baguette avec du Bitcoin ? Lorsqu’on me vante les qualités de la cryptomonnaie, je pose cette question. Généralement, on me répond par la négative. Normal, non seulement, aucun commerçant, ayant pignon sur rue, n’accepte cette monnaie et qui plus est, le délai de validation étant de sept minutes, vous auriez eu le temps de payer avec votre carte de crédit, une dizaine de fois au moins.
Ce défaut majeur de la cryptomonnaie démontre qu’elle n’a jamais été conçue pour faire ses emplettes. Bien au contraire, avant de devenir un objet de spéculation et de blanchiment d’argent, le Bitcoin fut créé suite à la crise de 2008 pour permettre au citoyen de se ré-approprier la politique monétaire. C’était avant tout de l’éducation populaire, par l’exemple. Depuis, l’esprit et sa technologie, la blockchain, ont été complètement dévoyés.
D’autre part, les différentes expériences locales avec les cryptomonnaies sont assez rares. Je ne connais que Arnhem, aux Pays-Bas, qui continue à expérimenter le bitcoin au quotidien. J’avoue que je serais bien curieuse d’avoir un retour d’expérience sur cette initiative, si vous avez des informations, je suis preneuse !
Bonne lecture !
— Dominique
L’énergie verte booste le minage des cryptomonnaies au Texas
Qui l’aurait cru ? Au pays des derricks et de l’or noir, le Texas a depuis quelques années investi dans l’énergie verte, le vent en l’occurence. Un peu partout dans l’état américain, des éoliennes sont sorties de terre, faisant du Texas le premier producteur d’électricité éolien du pays. Grâce une politique fiscale avantageuse et des crédits d’impôt, le gouvernement investit dans cette énergie depuis 2006. Le vent y étant une ressource abondante, l’électricité ainsi fournie est devenue très bon marché, au fil des années.
Quel rapport avec les cryptomonnaies me demanderez-vous ? Si vous ne le savez pas encore, elles ne s’acquièrent que de trois manières :
– soit vous en achetez de manière classique,
– soit vous en recevez comme salaire ou sous forme d’honoraire,
– soit vous le minez.
Et c’est ce dernier point qui nous intéresse ici. Le minage consiste à donner à la collectivité de la cryptomonnaie un service, qui sera rémunéré par ladite monnaie. Le service rendu tend souvent à valider les transactions et les opérations. Chaque fois qu’un ensemble est validé, il constitue un bloc, qui, s’il remplit un certain nombre de critères, s’ajoute à la chaîne des blocs de la cryptomonnaie, il est alors placé au sommet de la chaîne et le mineur reçoit sa récompense.
Dit ainsi, ça paraît quelque peu abscons pour le non-initié. Mais en résumé, après avoir installé sur votre ordinateur, le logiciel adéquat, vous devez le laisser tourner en permanence pour espérer obtenir le graal. En clair, votre ordinateur doit être ouvert 24h/24 et 7j sur 7 et être exclusivement dédié au minage. Oubliez le reste, si vous ne voulez pas le remplacer au bout d’un mois, pour usure prématurée (je plaisante, mais à peine). Sinon, imaginez le montant de votre facture d’électricité si vous vous adonnez à cette activité.
Vous l’aurez donc compris, miner est énergivore ! Miner n’est pas du tout écologique… mais ce n’est pas grave, puisque le Texas offre toutes les conditions pour continuer cette activité en fournissant l’électricité la moins chère du marché. Money is definitively money.
2020, année des monnaies digitales ?
il y a quelques mois, on pensait le Libra de Facebook mort et enterré depuis les défections de quelques entreprises de renom, Les mises en garde du gouvernement fédéral et de la Fed semblaient avoir découragé les principaux membres de l’association qui s’était constituée pour gérer cette nouvelle monnaie virtuelle. Mais deux entreprises viennent de la rejoindre, une start-up et l’entreprise Shopify. On pourrait penser que les virulentes critiques des Banques Centrales, un peu partout dans le monde, auraient eu raison du projet, mais l’association compte bien franchir cette année le cap des 100 membres…
Le monde est-il prêt à accueillir une nouvelle monnaie, complètement digitale, complètement privée, sur laquelle les utilisateurs n’auront aucun moyen de pression ? Les Etats laisseront-ils se développer cette monnaie supra et trans-nationale ? Une première réponse a été donnée à l’automne dernier, la France s’oppose au développement du Libra sur le sol européen.
Toujours est-il que si le Libra est lancé, c’est potentiellement un peu plus d’1 milliard d’utilisateurs qui pourront l’utiliser. Réponse du berger à la bergère, la Chine ne compte pas se laisser avoir dans cette course à la monnaie, puisqu’elle a annoncé que sa propre cryptomonnaie était sur le point de sortir.
Dans un contexte où le cash est de moins en moins utilisé de par le monde, cet intérêt soudain pour les monnaies virtuelles pourrait-il bouleverser notre usage de la monnaie ? Bref, êtes-vous enfin prêt à payer votre baguette avec du bitcoin ?
Payer avec du Vire et de la Pêche, les monnaies locales au diapason
Depuis que la Loi Hamon relative à l’économie sociale et solidaire a donné une base légale à la création de monnaie locale, les projets fleurissent un peu partout dans l’hexagone. Plus de 80 monnaies locales existent déjà et portent les doux noms de Vire, Pêche, Vendéo ou Gabarre. Une dizaine de projets sont encore à l’étude, ce qui ferait de la France, le territoire où il y aurait le plus de monnaie locale en circulation.
Les différentes expériences menées dans le pays expliquent l’engouement des collectivités territoriales pour créer leur propre monnaie. La première raison (et la principale) est que par ce biais, l’économie locale est favorisée, au détriment des grands ensembles. Il s’est avéré que cela évitait la désertification des petits commerces en permettant aux acteurs de se réapproprier localement une monnaie.
Et parce qu’il faut adhérer à une association pour obtenir nos quelques Pêches ou Vire, la monnaie locale devient un instrument pour créer des projets solidaires et ainsi recrée du lien social.
Ces contributions alternatives aux dynamiques habituelles des écosystèmes traditionnelles prouvent qu’il est possible d’utiliser la monnaie, non pas comme uniquement comme unité d’échange, mais avec l’objectif de rechercher de « bonnes monnaies » conçues comme des communs opposés à la privatisation monétaire. Les monnaies locales sont donc philosophiquement à l’opposé du Libra et posent d’autres gageures plus sociales.
Dans cette optique, elles deviennent aussi des armes pour lutter contre le changement climatique en re-localisant les activités économiques, notamment agricoles. On s’approche plus alors d’un cercle réellement vertueux, qui bénéficie à tout le monde. Payer en Pêches les fameuses pêches de Montreuil, c’est autrement beaucoup plus sympathique que d’aller acheter sa cagette au Carrouf’.
Si vous êtes intéressé.e.s par ce sujet (comme moi), je vous invite à lire l’essai de Jérôme Blanc, Les Monnaies Alternatives aux Editions La Découverte.